Cette assertion est attribuée à un rapport fait à
Napoléon Ier, en 1805, par le ministre des cultes Portalis.
(Vie du Vénérable Louis-Marie Baudouin par les
R.R. P.P. Michaud et Ailleaume - Bruxelles, librairie Albert Dewit,
53, rue Royale - 1925, p. 145, note 1).
Désirant avoir ce texte in extenso j'écrivis le 21
janvier 1953 à M. le Directeur des Archives Nationales. Il
me répondit le 6 février : " ...J'ai le regret
de vous faire connaître qu'en dépit d'un examen par
mes services du carton A F III 1045 ; Rapports et Lettres ans XIII
et XIV, et de l'ouvrage " Portalis ", rapports et discours
sur le Concordat ". Paris 1845, in-8°, le rapport de
Portalis sur le petit séminaire de Chavagnes n'a pu être
trouvé ". Il m'invite ensuite à consulter
une dizaine de dossiers versés par différents ministères,
mais sans aucune garantie. " C'est en vain termine-t-il, que
les procès-verbaux du conseil supérieur de l'Université
ont été examinés."
Mes recherches ultérieures restèrent vaines sur ce
point. Si, malgré tout, ce texte est authentique, le séminaire
de Chavagnes est-il réellement le " premier ouvert après
la Révolution " ? Non certainement.
Dès 1797, l'abbé Billaudel avait ouvert un séminaire
à Menneville, diocèse de Soissons (" Note
sur les dernières années du doyenné de Neufchâtel-sur-Aisne,
1789-1812 et le séminaire de Menneville ", par M.-L.
Labrusse, Librairie du Dauphin, 39, rue Vanneau, Paris). A la
fin de la même année, l'abbé Rey instruisait
40élèves pour le sacerdoce, à Bellevaux, en
Savoie. (Histoire religieuse de Napoléon, p. 82, Victor
Bindel). Dans une lettre, l'abbé B. Gillet, écrivait,
de Blois, le 3 novembre 1864, au R. P. Bethuys, premier biographe
du Vénérable P. Baudouin : " Je vous ai dit combien
je goûtais la vie du P. Baudouin, mais puisque vous le désirez,
je vais vous dire les modifications que je souhaite : ... Ce qu'on
dit ici sur le séminaire de Chavagnes, " le premier
après la Révolution ", a étonné,
je le sais, plusieurs ecclésiastiques : celui de Paris fut
ouvert en 1800 et M. de Quélen en faisait partie ; celui
de Carcassonne est aussi des premiers, celui de Lyon également.
(Vie de M. Emery, t. 2, p. 153) ; quant aux petits séminaires,
celui de Saint-Jotard commence avant 1796 (Ami de la religion,
t. 14, p. 264) ; celui d'Antignac sous le Directoire (Vie
de M. Emery, t., 2,,p. 158)... " Peut-être y en a-t-il
eu d'autres encore.
Pour conserver au séminaire de Chavagnes l'honneurd'être
le premier séminaire ouvert après la Révolution
on a dit que les autres avaient été ouverts pendant
la Révolution. C'est pour le moins jouer sur les mots. D'autre
part. Portalis pouvait-il ignorer l'existence de ces séminaires
Ce n'est pas possible puisque Napoléon, inaugurant déjà
sa politique scolaire avait fait recenser par les préfets
toutes les institutions secondaires de France, même celles
qui n'avaient que trois ou quatre élèves comme à
Fontenay-le-Comte. Portalis devait donc être bien renseigné.
Comment donc expliquer cette phrase ?
Le manuscrit de la vie du P. Baudouin par le R.P. Bethuys (livre
VI, p. 120, archives F.M.I. 10 B 5b) qui est la source principale
des autres biographes, contient ce texte : C'était le premier
Séminaire qui eût été ouvert en France
depuis la Révolution. La preuve qu'on en acquit alors ne
laisse aucun doute. Mgr. Paillou avait demandé que cette
maison ecclésiastique fût reconnue par le gouvernement.
Le ministre des cultes, en annonçant au prélat que
sa demande avait été accueillie favorablement ajouta
que c'était " le premier établissement
de ce genre qui avait été reconnu et approuvé
". La fin de cette phrase mise entre " guillemets
" semble être une citation de la lettre, au moins quant
aux mots importants. De là à attribuer au ministre
la phrase discutée il n'y a pas loin ; c'est dans ce sens
pour ceux qui ignorent l'existence des autres séminaires.
La phrase authentique de Portalis ne va pas contre cette existence
puisque celui de Chavagnes est seulement "
le premier reconnu et approuvé ". Malgré
les recherches cette lettre est restée introuvable.
Mais jusqu'à plus ample information, il n'est pas téméraire de conclure que la phrase " prétendue historique
" est du R. P. Bethuys qui ensuite cite Portalis.