La fondation par le Père Baudoin : Sa rencontre avec Napoléon.
CHAPITRE III du livre du Père CHaille
ESPOIR ET DÉCEPTION
(A l'époque, Chavagnes dépendait administrativement
du district de Montaigu. Mais d'un point de vue religieux, Chavagnes
était dans le diocèse de La Rochelle)
La promesse de Napoléon.
Au ours de l'été 1808 on apprit que Napoléon, venant
de Bayonne par la route de Bordeaux à Nantes, devait passer le
8 août à la Chardière, à deux kilomètres
du bourg de Chavagnes.
La nuit était déjà tombée. Depuis 4 heures
de l'après-midi, la population attendait sans se lasser autour
d'un arc de triomphe où l'on pouvait lire : " La terre se
tut en sa présence ". Le P. Baudouin engagea ses élèves
à se procurer des flambeaux ; la foule suivit cet exemple. Du
haut de la côte qui domine le château de la Chardière,
l'attention de l'empereur fut mise en éveil par cette illumination
mobile. Il fit arrêter sa voiture près de l'arc de triomphe.
Les acclamations dont il fut l'objet lui firent comprendre qu'il avait
affaire à des étudiants. " Qu'est-ce que ceci? "
demanda-t-il. - " C'est lui répondit-on, le séminaire
de La Rochelle ". - L'empereur demanda d'un ton bienveillant au
supérieur comment il se faisait que le séminaire de La
Rochelle se trouvait là. Puis il s'informa du nombre des élèves,
des professeurs, des sciences enseignées, etc...
Après avoir satisfait à toutes ces questions, le P. Baudouin
songeait à se retirer, lorsque Napoléon, d'un air engageant,
lui dit : " Mais vous ne me demandez aucune
grâce ? - Sire,
je n'osais, répondit le P. Baudouin. - Osez.
- Eh bien, Sire, nous avons besoin d'un autre
bâtiment pour loger plus convenablement nos élèves.
- J'accorde 100.000 francs pour bâtir
". Et la voiture disparut au milieu des vivats.
Projet de translation à Napoléon-Vendée.
Grande fut la déception du P. Baudouin lorsque, quelques jours
plus tard, il apprit la décision d'employer les 100.000 francs
promis à la Chardière, à construire un séminaire
à Napoléon-Vendée.
Le bruit courait que, de la Chardière à Montaigu, l'empereur
avait réfléchi sur l'entretien qu'il venait d'avoir avec
le supérieur du séminaire et sur les faveurs qu'il lui
avait accordées. Il avait posé des questions aux autorités
de Montaigu sur l'établissement de Chavagnes. " Ces
gens-là n'auront donc personne pour les surveiller? ", se
serait-il écrié. Ayant pris de nouvelles informations
à Nantes, il aurait tenu les mêmes propos.
Le matin même de l'entrevue de la Chardière, 8 août
1808, l'empereur, de passage à Napoléon-Vendée,
avait pris plusieurs mesures qui devaient avoir les plus heureuses conséquences.
Outre une subvention; de 300.000 francs pour la reconstruction des maisons
particulières et une somme égale pour la réparation
des églises et des presbytères, l'empereur avait promis
150.000 francs pour la construction du séminaire de La Rochelle.
ARTICLE 6. - Une somme de 150.000 francs sera
affectée à l'achèvement des travaux du séminaire
diocésain de La Rochelle qui seront conduits de façon
à être terminés en 1810.
ARTICLE 8. - Le séminaire diocésain établi provisoirement
à... sera transféré à Napoléon
; dans un local désigné à cet effet. Il sera établi
(construit) et la translation effectuée dans le dit local le
10 janvier 1810. La somme affectée au séminaire sera mise
à la disposition de l'évêque diocésain pour
les dépenses de translation, construction et premier établissement.
Le décret fit une peine profonde au P. Baudouin, et lorsque les
ingénieurs du département vinrent lui demander ses vues
pour le plan de l'édifice, il leur répondit : " L'empereur
m'a accordé les fonds pour bâtir à Chavagnes et
non à Napoléon, où je ne veux pas transférer
mon établissement".
Napoléon avait-il réellement promis, le soir du 8 août,
100.000 francs au P. Baudouin ? L'un des meilleurs historiens de
la Vendée, Emile Gabory, émet un doute, parce que cela
paraît en contradiction avec les 150.000 francs accordés
le matin même pour l'installation du séminaire dans la
ville qu'il faisait édifier au centre de la Vendée.
Pourtant la promesse des 100.000 francs fut faite, cela n'est pas douteux.
Mais l'interprétation n'était pas concordante.
A aucun moment l'empereur n'avait eu l'intention d'appliquer à
Chavagnes une parcelle de cette somme. Il est à remarquer, en
effet, que, dans le décret, le nom de Chavagnes est resté
au bout de la plume du rédacteur. L'entourage, comme le maître
lui-même, ignorait le nom de la localité où le séminaire
de La Rochelle était situé; mais on savait parfaitement
qu'il se trouvait dans une bourgade perdue du bocage vendéen.
Cette rencontre ne fut donc qu'une demi-surprise, et on s'explique mieux
l'interrogatoire subi par le P. Baudouin ainsi que les sentiments variés
par lesquels était passé l'empereur.
Le supérieur et ses professeurs, ignorant alors les projets
de Napoléon, pensèrent tout naturellement que ce don impérial
allait leur être remis pour l'agrandissement de leur maison. D'où
la déception qui s'ensuivit.
Napoléon
avait d'autres vues. Il voulait centraliser au coeur de la Vendée,
dans la ville qui porterait son nom, et qu'il rêvait digne de
sa gloire, non seulement les administrations civiles : préfecture,
casernes, palais de justice, lycée; mais aussi l'administration
religieuse : l'évêché, la
cathédrale et, comme corollaire, le séminaire diocésain.
Dès le 26 décembre 1804, Merlet, préfet de la Vendée,
lui avait inspiré cette idée en lui écrivant :
" Pour donner plus de consistance à la ville et lui imprimer
un caractère d'une certaine importance, il conviendrait de transférer
à Napoléon l'évêché fixé à
La Rochelle ".
Quoi qu'il en soit, ce décret du 8 août 1808 ne fut pas
exécuté en ce qui concerne le séminaire. Napoléon,
absorbé par les événements d'Espagne et d'Autriche,
remit à plus tard la réalisation de son projet, et le
séminaire resta à Chavagnes.
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